La science, la cité

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Mot-clé : sociologie des sciences

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Côtoyer les étoiles

Il y a 15 jours, j'aidais Elifsu à  corriger des copies pour le cours d'humanités scientifiques de SciencesPo Paris (élèves de 1e année). Lequel cours est donné par Bruno Latour. Un exercice très intéressant, qui permet de réaliser (avec horreur !) que l'on connaît par cœur son corpus latourien et que son vocabulaire nous habite définitivement. Ces élèves, dans une logique toute SciencePo, ont choisi en majorité le sujet de dissertation suivant : S'il est vrai que la politique s'occupe des hommes et des choses, quelle différence y a-t-il entre un bon et un mauvais gouvernement ?, au détriment du sujet : Pourquoi dit-on des sciences qu'elles doivent être autonomes et des techniques qu'elles sont neutres ?. Admirez la construction syntaxique du second ! Les copies étaient bonnes dans l'ensemble, le cours ayant bien été intégré et les élèves ressortant la vision latourienne de la science dans la société (sans qu'ils ne la partagent forcément, me dis-je). Quelques copies semblaient toutes droit sorties du corpus latourien (avec des notes allant jusqu'à  19,5/20) tandis que d'autres élèves étaient passés complètement à  côté. Preuve en est ce bêtisier, qui reflète un peu le niveau zéro de la pensée et de la problématisation (je suis méchant, je sais, mais tout correcteur ne l'est-il pas ?) :

  • Les sciences montrent les faits tels qu'ils sont sans suivre une théorie particulière ou un ordre logique.
  • Empêcher la science d'être autonome c'est empêcher l'humanité de progresser.
  • S'il n'y a pas d'exigence de neutralité envers la technique, alors qu'il y en a une d'autonomie envers la science, c'est parce qu'elle est neutre par nature.
  • La prise de conscience des hommes de [la situation délétère de l'environnement] a été précédée par celle des scientifiques.
  • La théorie de l'évolution (...) essaye de déterminer les adaptations à  prévoir pour survivre.
  • Les faits sont objectifs, chacun peut voir les mêmes problèmes : le réchauffement climatique, etc. Les chiffres sont la preuve de l'objectivité des faits (SIDA, cancer, etc)...
  • La politique s'occupe des hommes et des choses et le fait très bien puisque c'est sa nature-même.

Chaque élève devait également tenir un carnet de bord pour relever les dispositifs socio-techniques, les amours particulières sciences/politique et les controverses scientifiques qui lui passaient sous les yeux. Un exercice original, et extrêmement intéressant à  corriger (car sous forme très libre et apportant des informations au correcteur !).

Dans la foulée, j'étais invité par François à  présenter mon travail de Master à  la Science Studies Unit d'Edimbourg. Celle qui fut longtemps le repère de David Bloor, et reste un haut-lieu de la sociologie des sciences (ou plutôt de la sociologie de la connaissance scientifique = SSK), regarde avec un mélange de respect et de désaccord la sociologie de Bruno Latour. Par conséquent, j'ai été soumis à  la question, même si les participants du séminaire m'ont largement épargné (en raison peut-être de mon désavantage en Anglais ?) et ont su soulever des points importants de mon travail (notamment l'emploi de la notion de paradigme, largement galvaudée et sans doute un cache-misère intellectuel).

Enfin, cette semaine, j'ai pu remplacer Elifsu pour assister Jean-Yves Le Déaut dans son séminaire à  SciencesPo Paris sur les grands enjeux scientifiques du début du XXIe siècle. L'occasion d'échanger quelques mots avec Marion Guillou (PDG de l'Inra) et avec des élèves du cursus "S-Cube" (sciences et sciences sociales). Lesquels m'ont confirmé l'étrange cérémonie de remise des diplômes que rapportent Joà«lle Le Marec et Igor Babou dans leur réaction à  la tribune politique de Bruno Latour.

Quand je vous disais que ce dernier temps, je n'ai fait que côtoyer quelques étoiles

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Dans le cerveau d'un chercheur

Encore et toujours, je me demande comment montrer la science telle qu'elle se fait. Là  où je l'avais laissée, ma réflexion consistait à  dire que montrer la science en train de se faire, en chair et en os (c'est-à -dire dans un musée, un cours ou un atelier), ne peut se faire qu'au niveau macroscopique (celui des institutions, de la communauté des scientifiques, des pratiques de recherche…) plutôt que dans le cadre restreint d'un laboratoire ou d'une expérience particuliers, qui ne sont que des reconstructions faussées ou trompeuses. Concernant les documentaires filmés, la chose était entendue : si le chercheur met en scène son savoir à  travers quelques coulisses comme son laboratoire, son équipe, son terrain expérimental ou ses bailleurs de fonds pour mieux nous expliquer ce qui en sort et les connaissances qu'il en tire, alors nous sommes en présence d'une science déjà  faite, tandis que la science en train de se faire mettrait en avant l'incertitude intrinsèque au travail scientifique, la contingence de la construction des savoirs et les traductions permettant d'enrôler des alliés pour clore les controverses. J'esquissais d'autre part une distinction entre la science en train de se faire et la science inachevée.

En regardant "La vie après la mort d'Henrietta Lacks" (une allusion à  la lignée cellulaire Hela utilisée dans les laboratoires du monde entier), ces lignes se sont un peu déplacées : un film documentaire peut aussi témoigner d'une recherche en cours s'il nous met face à  un bout de recherche, sans début ni commencement, sans "problématique initiale" et "éclaircissement final". Ou sinon, on frôle la reconstruction a posteriori et le jugement de l'histoire : même si la captation a été faite sur le moment, le montage du film est nécessairement biaisé par cette apparente linéarité et le réalisateur échappe difficilement au confortable synopsis baconien qui lui est offert.

C'est précisément ce que réussit ce film, qui donne à  voir un jeune chercheur en proie aux affres de ses expériences de culture cellulaire et qui met en scène ses pensées, sa méthode de travail et sa vision du monde par des analogies muettes très bien faites (structure d'un bâtiment, comportement d'une foule, mouvements lors d'une nuit de sommeil, changement de la lumière d'un paysage au cours de la journée…). En quelques mots bien sentis, le personnage du film nous fait aussi toucher du doigt la substance du travail du chercheur :

En permanence le chercheur il doute, de ce qu'il voit, de son interprétation, et ses doutes sont alimentés par ses observations. Et il y a une interaction permantente entre le réel qu'il observe et l'imaginaire qu'il a en lui.

Au final, on saisit tout juste sur quoi porte son sujet de recherche (la division et les efforts mécaniques de la cellule) et surtout, on ignore sa problématique scientifique exacte et son cheminement intellectuel. Seule une mention écrite à  la fin du film vient nous rappeler quels sont les enjeux :

Un an plus tard, Manuel et son équipe parviennent à  définir les lois qui régissent la division cellulaire. Leurs résultats sont publiés dans la revue "Nature Cell Biology".

On n'est pas dans la "science en train de se faire" façon Bruno Latour, qui vise à  comprendre l'efficacité des sciences (une efficacité qui se juge aussi hors de l'univers des communautés savantes), à  saisir comment des pratiques de laboratoire en viennent à  devenir des vérités socialement acceptées, comment elles en viennent à  faire advenir un nouveau monde (un monde plein de microbes par exemple), à  peser sur lui et à  le transformer (Dominique Pestre, Introduction aux Science studies, Paris : La Découverte, coll. "Repères", 2006, p. 46).}} Point de leçon de sociologie des sciences ici, surtout un témoignage ethnologique : comme un documentariste animalier filmerait un lion dans la savane, Mathieu Thery filme son frère doctorant en continu et nous montre ici une alternance de moments forts (lorsque le problème des cultures cellulaires devient critique et que seule compte sa résolution) ou faibles (la descente dans la pièce blanche où se font les expériences) de son travail/vie. C'est pour quoi je préfère le terme de "recherche en cours", que j'opposerai désormais aux notions de "science en train de se faire" et de "scinece inachevée".

A la suite de ce court-métrage réussi, le mouvement "Sauvons la recherche" est venu chercher Mathias Thery pour pousser l'expérience un peu plus loin et réaliser un long-métrage montrant le chercheur au travail. Il a fixé son choix sur Stéphane Douady, dont le sujet de recherche a l'avantage d'être extrêmement porteur pour un cinéaste et son public : le chant des dunes. Le résultat, "Cherche toujours", a été encensé après être passé sur Arte et sera montré mercredi 25 février à  13h à  l'amphithéâtre de l'EHESS, 105 Bd Raspail (entrée libre et gratuite). Laquelle projection sera suivie d'une discussion en présence de Mathias Thery, Stéphane Douady et quelques autres.

Ces deux films présentent la particularité d'être agrémentés d'interludes et de visions poétiques, qui viennent compléter le témoignage brut sur le travail du chercheur et illustrent, à  mon avis, combien il façonne son rapport au monde et aux autres. Sans ces passages, le film donnerait à  voir quelque chose mais manquerait de sens. Grâce à  eux, il nous est donné de véritablement rentrer dans le cerveau d'un chercheur, le temps d'un bout de ses recherches. Renvoyant ainsi dans les cordes ceux pour qui ça ne présente strictement aucun intérêt de montrer un chercheur au travail et ça n'intéresse personne.

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Science en train de se faire ou science inachevée ?

Lorsque j'ai publié en mai un embryon d'article s'interrogeant sur comment montrer la science en train de se faire, j'avais une idée très claire mais finalement lacunaire de cette problématique. Heureusement, Matteo Merzagora déposa un commentaire avec des suggestions de lecture concernant la muséologie. Comme je le racontais dans ma présentation à  la soirée "Science 2.0", j'ai suivi ces recommandations, j'ai pu amender l'article en conséquence ainsi qu'à  la lumière des discussions avec les autres commentateurs, et le soumettre à  la revue Alliage.

Une nuance qui m'avait ainsi échappée et dont j'ai pu prendre connaissance dans ces références concerne la notion de science en train de se faire. En effet, la muséologie l'a abordée d'une autre façon que la sociologie des sciences et s'est demandée ce qu'on cherchait à  montrer par là  exactement. S'agit-il de mettre l'accent sur les moyens par lesquels des conclusions scientifiques ont été obtenues plutôt que sur le contenu de ces conclusions ou bien s'agit-il de raconter la science chaude, sur laquelle les chercheurs n'ont pas fini de statuer et qui éveille un intérêt légitime au sein du grand public ? Dans le premier cas, John Durant[1] parle de science en train de se faire (science in the making) et dans le second de science inachevée (unfinished science).

Ainsi, quand EL mentionne le téléfilm de la BBC Life Story retraçant la découverte de la structure de l'ADN, lequel met parfaitement à  jour les incertitudes de cette science en train de se faire malgré que l'on en connaisse le dénouement, c'est bien à  la science en train de se faire qu'il pense. Quand Jean-Marc Lévy-Leblond[2] explique qu'à  l'opposé de toutes les images d'Epinal, qui montrent la recherche scientifique comme un archétype de travail méthodique, conquête systématique et contrôlée de l'inconnu, c'est l'errance et la contingence qui y sont la règle, c'est aussi de la science en train se de se faire qu'il parle.

Par contre, quand l'exposition "Passive smoking" présentée de janvier à  mars 1993 au London Science Museum propose force description de la controverse scientifique autour du tabagisme passif, du poids des lobbies, de l'enjeux économique ainsi que des publications scientifiques existantes (toutes disponibles pour les visiteurs à  la bibliothèque du musée), elle montre une science encore inachevée.

Cette seconde approche a l'avantage d'échapper au piège de l'histoire jugée au regard des connaissances d'aujourd'hui, laquelle aide rarement à  comprendre, à  saisir les difficultés et les jugements qui président au travail scientifique, à  donner sens aux choix de la science au moment où elle est en train de se faire[3]. A la place, elle propose une incertitude radicale qui force l'attention des gens sur les processus de production des connaissances scientifiques et met les chercheurs et les citoyens sur un même pied d'égalité face à  l'incertitude, pour ne leur laisser d'autre choix que d'explorer les divers points de vue offerts et ensuite de se faire un avis sur la question du mieux possible[4]. Et comme elle aborde souvent des problématiques pertinentes par rapport à  l'actualité, elle contribue à  l'appropriation ou la critique citoyenne de ses retombées futures.

Voici comment, à  la suite d'une excursion au sein d'une discipline peu familière, on peut appréhender une distinction utile et souvent occultée — laquelle devrait resservir encore souvent !

Notes

[1] John Durant (2004), "The challenge and the opportunity of presenting "unfinished science"", in David Chittenden, Graham Farmelo et Bruce V. Lewenstein (dir.), Creating Connections: Museums and the Public Understanding of Current Research, Walnut Creek : Altamira Press, pp. 47“60

[2] Jean-Marc Lévy-Leblond (2003) [2000], "Le chercheur, le crack et le cancre", in Jean-Marc Lévy-Leblond, Impasciences, Paris : Le Seuil, pp. 23“24

[3] Dominique Pestre (2006), Introduction aux Science studies, Paris : La Découverte, coll. "Repères", p. 40

[4] John Durant (2004), "The challenge and the opportunity of presenting "unfinished science"", in David Chittenden, Graham Farmelo et Bruce V. Lewenstein (dir.), Creating Connections: Museums and the Public Understanding of Current Research, Walnut Creek : Altamira Press, pp. 47“60

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Mes lectures de sociologie des sciences

Je suis fasciné par les bibliothèques, je ne vous le cache pas. Alors j'aime cette idée de partager avec vous mes livres consacrés à  la science et les questionnements qui la concernent. Une sorte de témoignage personnel sur mes lectures mais également, je l'espère, un guide de lecture pour les plus novices. On commence avec les livres déjà  lus :

De droite à  gauche :

  • Les Dossiers de La Recherche, "Sciences à  risque", février-avril 2007, n° 26
  • Bruno Latour, L'espoir de Pandore, La Découverte, coll. "Poche", 2007 (1ère édition 1999)
  • Catherine Allamel-Raffin et Jean-Luc Gangloff, La raison et le réel, Ellipses, coll. "Champs philosophiques", 2007 ” un livre de philosophie par deux enseignants de mon Master
  • Bruno Latour, Nous n'avons jamais été modernes, La Découverte, coll. "Poche", 1997 [1991]
  • Bruno Latour, Le métier de chercheur, Inra éditions, coll. "Sciences en question", 2001 ” dont Fr. écrit : excellentissime, de loin son texte qui m'a le plus marqué
  • Bruno Latour, Pasteur : guerre et paix des microbes suivi de Irréductions, La Découverte, coll. "Poche", 2001 [1984]
  • Pascal Lapointe et Josée Nadia Drouin, Science, on blogue !, Editions Multimondes, 2007 ” le premier livre sur le sujet, incontournable
  • Michel Callon (dir.), La science et ses réseaux, La Découverte, coll. "Textes à  l'appui", 1988

  • Valérie Peugeot, Pouvoir savoir, C&F éditions, 2005 ” un livre que j'ai lu quand je m'intéressais à  la question des droits de propriété intellectuelle
  • Daniel Raichvarg, Sciences pour tous ?, Gallimard, coll. "Découvertes", 2005
  • Alan F. Chalmers, Qu'est-ce que la science ?, Le livre de poche, coll. "Biblio essais", 1987 [1976] ” un livre qui a reçu l'assentiment de Pablo : la meilleure présentation que je connaisse des théories épistémologiques
  • Terry Shinn et Pascal Ragouet, Controverses sur la science, Raisons d'agir, coll. "Cours et travaux", 2005 ” je le citais dans mon billet sur l'affaire Sokal
  • Nicolas Witkowski, Une histoire sentimentale des sciences, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 2003 ” un très beau livre pour mettre la science en culture
  • Colin Ronan, Histoire mondiale des sciences, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 1988 [1983] ” une référence classique mais utile
  • Bruno Latour, Petites leçons de sociologie des sciences, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 1996 [1993] ” j'en offrais un extrait dans ce billet
  • Nelson Goodman, Manière de faire des mondes, Gallimard, coll. "Folio essais", 2006 [1978] ” une comparaison entre les approches de l'artiste et celles du scientifique, qui m'a tenu relativement en échec
  • Paolo Rossi, Aux origines de la science moderne, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 2004 [1999] ” un excellent vademecum sur la naissance de la science moderne et ses institutions, pratiques

  • Jean-Paul Gaudillière, La médecine et les sciences, La Découverte, coll. "Repères", 2006 ” une synthèse indispensable par un des meilleurs chercheurs contemporains en histoire des sciences médicales
  • Dominique Pestre, Introduction aux Science Studies, La Découverte, coll. "Repères", 2006 ” une autre synthèse indispensable par un autre chercheur de référence
  • Giovanni Busino, Sociologie des sciences et des techniques, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1998 ” un livre qui joue son rôle dans cette collection bien connue, ni plus ni moins
  • Emile Guyénot, L'origine des espèces, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1961 ” une trouvaille de bouquiniste, assez vieillotte, qui a utilement complété ma lecture de Darwin
  • Joà£o Caraça, Science et communication, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1999 ” un livre méconnu qui aborde des thématiques qui me sont chères, que j'ai cité abondamment dans ce billet
  • Harry Collins et Trevor Pinch, Tout ce que vous devriez savoir sur la science, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 2001 [1993] ” un livre de deux fameux sociologues des sciences qui gagnerait à  être enseigné dans tous les lycées, que j'ai cité dans ce billet et qui m'a bien servi dans mon billet sur les preuves de la relativité
  • Jean-Marc Lévy Leblond, La pierre de touche, Gallimard, coll. "Folio essais", 1996 ” un autre livre qui m'est cher, par son érudition et sa diversité (c'est un recueil), dont je me suis servi pour ce court billet
  • Jà¼rgen Habermas, La technique et la science comme "idéologie", Gallimard, coll. "Tel", 2005 [1968] ” une recommandation de Fr., dont je n'aurai pas la prétention de dire que j'ai tout compris mais qui m'a fourni la matière à  un "Trouvez l'auteur"
  • Georges Lochak, Défense et illustration de la science, Ellipses, 2002 ” le livre d'un physicien vieille école qui m'a profondément énervé, même si cela ne se voit pas dans ce billet !
  • Jean-Marc Lévy-Leblond, La science en mal de culture, Futuribles, coll. "Perspectives", 2004 ” très cher pour pas beaucoup d'idées neuves
  • Pierre-Gilles de Gennes, Petit point, Le Pommier, 2002 ” un petit livre touchant sur le milieu de la recherche, dont j'ai fait l'éloge chez David Monniaux
  • Frédérique Marcillet, Recherche documentaire et apprentissage, ESF éditeur, coll. "Pratiques & enjeux pédagogiques", 2000 ” ce livre et les suivants m'ont servi pour mettre au point mon atelier sur la science dans la bibliothèque
  • L'Ecole des lettres des collèges, "Quel CDI voulez-vous ?", numéro spécial, 1996
  • L'Ecole des lettres des collèges, "Les textes documentaires au collège", n° 12, avril 1999
  • Isabelle Pailliart (dir.), La publicisation de la science, Presses universitaires de Grenoble, coll. "Communication, médias et sociétés", 2005 ” seule la contribution de Joà«lle Le Marec, que je citais dans ce billet sur la co-construction des savoirs, m'a vraiment marqué
  • Thomas Kuhn, La structure des révolutions scientifiques, Flammarion, coll. "Champs", 1983 [1962]

On reprend avec deux minces brochures :

  • François Briatte, "Un stigmate épistémologique. Le relativisme dans le strong programme de David Bloor" et "Entretien avec David Bloor", Tracés, n° 12, 2007 ” tiré à  part offert par l'auteur ;-)
  • Edgar Pisani, Ingénieurs, Hommes, Citoyens, discours de remise des diplômes des élèves de l'Institut national agronomique Paris-Grignon, 2005
  • Daniel Raichvarg, Louis Pasteur, l'empire des microbes, Gallimard, coll. "Découvertes", 2003 [1995]
  • René Dubos, Louis Pasteur, franc-tireur de la science, La Découverte, 1995 [1950]
  • Bruno Latour, Chroniques d'un amateur de sciences, Presses des Mines de Paris, coll. "Sciences sociales", 2006 ” voir mon compte-rendu de lecture
  • Alliage, "L'écrit de la science", n° 37-38, 1998
  • Francis Agostini (dir.), Science en bibliothèque, Editions du cercle de la librairie, coll. "Bibliothèques", 1994
  • Sciences de la société, "Sciences et écriture", n° 67, 2006
  • Genesis, "Ecriture scientifique", 2003
  • Cahiers pédagogiques, "Expérimenter", n° 409, 2002

Puis viennent les livres à  lire ou relire :

  • Bruno Latour, La science en action, Gallimard, coll. "Folio essais", 1995 [1987]
  • Jacques Bouveresse, Prodiges et vertiges de l'analogie, Raisons d'agir éditions, 1999
  • Alan Sokal et Jean Bricmont, Impostures intellectuelles, Le livre de poche, coll. "Biblio essais", 1997
  • Helen E. Longino, Science as social knowledge, Princeton University Press, 1990
  • Joseph E. Harmon et Alan G. Gross, The scientific literature, The University of Chicago Press, 2007
  • Dominique Lecourt, Dictionnaire d'histoire et philosophie des sciences, PUF, coll. "Quadrige", 2006 [1999]
  • Marianne Doury, Le débat immobile, Editions Kimé, 1997
  • Jean-Michel Berthelot, Figures du texte scientifique, PUF, coll. "Science, histoire et société", 2003
  • Luc Boltanski et Laurent Thévenot, De la justification, NRF, coll. "Essais"

  • Observatoire des sciences et des techniques, Les chiffres clés de la science et de la technologie, Economica, coll."Economie poche", 2003
  • Michel Cotte, De l'espionnage à  la veille , Presses universitaires de Franche-Comté, 2005
  • Jean-Michel Berthelot, Olivier Martin et Cécile Collinet, Savoirs et savants, PUF, coll. "Science, histoire et société", 2005
  • Bernadette Bensaude-Vincent, La science contre l'opinion, Les empêcheurs de penser en rond, 2003 [1999]
  • Jean-Pierre Astolfi et Michel Develay, La didactique des sciences, PUF, coll. "Que sais-je ?", 2005
  • Pierre Laszlo, La découverte scientifique, PUF, coll. "Que sais-je ?", 1999
  • Jean-Jacques Rousseau, Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes suivi de Discours sur les sciences et les arts, GF Flammarion, 1992
  • Jean-Jacques Rousseau, Du contrat social, GF Flammarion, 1996
  • Bruno Latour et Steve Woolgar, La vie de laboratoire, La Découverte, coll. "Poche", 1996 [1979]
  • Jean Fourastié, Les conditions de l'esprit scientifique, Gallimard, coll. "Idées NRF", 1966
  • Martine Comberousse, Histoire de l'information scientifique et technique, Armand Colin, coll. "128", 2005 [1999]
  • Michel de Pracontal, L'imposture scientifique en dix leçons, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 2005 [1986]
  • Stephen Jay Gould, Darwin et les grandes énigmes de la vie, Editions du seuil, coll. "Points sciences", 1997 [1977]

Tous ces livres devraient être à  l'honneur lors du salon littéraire "Science et société" prévu les 15 et 16 novembre à  Sucy-en-Brie, même si les informations détaillées se font attendre…

Surtout, ce billet vient un peu refermer la porte de cette bibliothèque : après avoir soutenu mon Master de sociologie des sciences, je vais enfin pouvoir varier les lectures !

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A quoi sert un prix Nobel ?

Chaque année depuis 1901, l'Académie suédoise des sciences récompense du prix Nobel une poignée de découvertes ou d'inventions qui ont particulièrement mérité. Ces découvertes font souvent l'objet d'un consensus. Mais le paradoxe est que le prix est remis aux auteurs de ces découverte, les propulsant ainsi au rang de "génies", consultés à  propos de tout — des problèmes sociaux à  la stratégie militaire[1] —, invités à  signer toutes sortes de pétitions et à  siéger au sein de fondations fantômes… à  moins qu'ils ne soient ostracisés pour faute grave comme James Watson !

J'ai pu constater de visu lors du ''World Knowledge Dialogue Symposium'' que les prix Nobel sont certes des experts dans leur domaine mais que ça n'en fait pas forcément des surhommes, ou même des lumières. Tom Roud signalait d'ailleurs combien Albert Fert, invité sur France inter, semble éloigné de la réalité de la recherche (c'est-à -dire de la situation des doctorants et post-doctorants). D'où ma question : à  quoi sert un prix Nobel ? Pourquoi, au-delà  du prestige et de la renommée, peut-on en avoir besoin ?

The Nobel Prize in Physics awarded to Ernest O. Lawrence in 1939 for the invention and development of the cyclotron and for results obtained with it, especially with regard to artificial radioactive elements ©© Tim Ereneta

Pour y répondre, je vais m'intéresser à  ce que la sociologie des sciences dit de l'expertise, en particulier Harry Collins dont Phnk signalait récemment les travaux et le livre qu'il a publié en 2007 avec Robert Evans, Rethinking Expertise. En effet, c'est acquis que les prix Nobel sont des experts de leur mini-champ de compétence : Albert Fert de la magnetorésistance géante, Luc Montagnier et Françoise Barré-Sinoussi du VIH… Nous sommes en présence, pour reprendre la typologie de Collins et Evans, de l'expertise contributrice (contributory expertise) : celle qui permet de participer à  l'avancement d'un domaine, et de transmettre son savoir à  des étudiants ou collègues. C'est cette expertise qui justifie en premier lieu la remise du prix Nobel.

Mais ce n'est pas tout. Un prix Nobel a pu s'illustrer par son approche nouvelle d'un problème, par sa compréhension inédite des limites d'un domaine. Ainsi, Pierre-Gilles de Gennes avait son propre style de scientifique, un style qui le distinguait de ses pairs et qui constitua un apport de niveau "méta" à  la physique. Cet apport peut très bien faire école et inspirer d'autres percées, à  condition de posséder cette disposition à  l'interaction et la réflexivité que décrivent Collins et Evans (p. 27), permettant de se projeter pour pouvoir décrire et expliquer ce qu'on fait. Ce qui n'est pas donné à  tous les praticiens ou prix Nobel, comme le montre cette citation attribuée à  Richard Feynman : La philosophie des sciences est aussi utile aux scientifiques que l’ornithologie l'est aux oiseaux.

Mais le récipiendaire du prix Nobel, une fois couronné, est aussi invité aux quatre coins de la planète à  rencontrer le gratin mondial. Une particularité de ces colloques, comme celui de Lindau, est qu'ils rassemblent au-delà  des disciplines et des thèmes de recherche. Ainsi, à  force de voyager et de côtoyer des spécialités aussi différentes, le prix Nobel acquiert et mobilise une des "méta-expertises" décrites par Collins et Evans. En particulier, l'expertise projetée (referred expertise, par analogie avec la referred pain) consiste à  appliquer à  un domaine l'expertise acquise dans un autre. C'est le propre des gestionnaires de gros projets de recherche, comme le radiotéléscope ALMA, qui peuvent être à  la tête d'un interféromètre un jour et d'un collisionneur géant le lendemain. Car ce qui importe, ce n'est pas l'expertise qui permet de mettre les mains dans le cambouis (contributory expertise) mais celle qui permet de parler à  chacun, d'évaluer différentes options, de faire les choix qui se révéleront finalement les plus pertinents.

Newspaper clipping posted in the Physics Student Center at RIT. ©© Matt Chan

Ainsi, les Nobel ont cette chance de pouvoir se consacrer surtout à  cette expertise projetée. Profitant de l'autorité qui leur est reconnue, s'enrichissant du contact des uns et des autres, ils peuvent devenir l'huile qui va faire mieux tourner les rouages de la science. Pour autant, c'est bien toujours d'expertise que nous parlons ici : contrairement à  une idée souvent répandue, cela n'en fait pas des esprits plus sages, plus moraux ou plus respectueux…

Notes

[1] Depuis au moins les années 1940, nous signale Robert M. Friedman dans la numéro d'octobre de La Recherche, p. 29.

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